20 Feb
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Reflet du rêve en cauchemar

En tant qu'infirmière libérale, j'ai la chance d'accompagner des femmes de tous horizons, dans différents parcours, et j'en apprends énormément sur le pouvoir du corps ainsi que sur les limites médicales.

Dans ce récit, je vais raconter l'histoire d'une patiente : Angela. Ce nom est un pseudonyme et certains détails seront inversés ou remplacés pour respecter l'anonymat de cette femme.

Tout commence en décembre 2016, lorsque je reçois un appel pour faire des injections d'hormones dans le cadre d'un parcours de PMA (procréation médicalement assistée).

Arrivée au domicile de la patiente, elle m'explique que cela fait plus de 2 ans qu'elle est mariée et qu'ils n'arrivent pas à concevoir un enfant. Elle me dit avoir subi, avec son époux, tous les examens médicaux qui attestent que tout était normal au niveau biologique et physiologique.

Durant 4 longues années, je lui ai fait des injections une fois par mois durant 2 semaines. À chaque fois, il y avait maturation des œufs, puis la ponction était faite et la fécondation in vitro suivait.

Une fois sur deux, la grossesse prenait mais une fausse couche survenait au bout d'un ou deux mois. Tout cela a duré quatre longues années. Le temps passait... Angela ne voulait pas changer d'infirmière ni de médecin. Aucune pause thérapeutique n'a été mise en place pour favoriser la reconstruction et la réappropriation corporelle de celle-ci.

Alors, un beau jour, j'ai suggéré à Angela de prendre des vacances. De partir et de respirer. De se vider la tête et de trouver un moyen pour retrouver son époux et reconstruire son couple.

Ils vivaient au rythme des piqûres, des échographies ainsi que des prises de sang. Ils en sont finalement venus à se perdre l'un l'autre.

Le temps passant, ils ont finalement décidé de partir deux semaines au soleil. Suite à cela, je n'ai plus jamais eu de contact avec eux.

Trois ans plus tard, durant ma pause, je vais à la boulangerie me chercher un sandwich. Je tombe nez à nez avec Angela. Elle était accompagnée de ses deux enfants.

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Pour ma part, je me réjouis de la voir et je comprends vite que ma réaction n'est pas bien calibrée.

Je lui demande ce qui lui arrive. Elle m'explique que le voyage conseillé leur avait fait beaucoup de bien. À leur retour, 15 jours plus tard, ils découvrent qu'elle est enceinte. Ils étaient extrêmement heureux.

Malheureusement, la grossesse est une étape qui fut très désagréable pour Angela. Elle culpabilisait de ne pas apprécier ce moment si précieux et tant attendu. Ressentir des émotions négatives était impensable, mais bien réel.

L'accouchement non plus ne s'est pas déroulé comme elle l'aurait souhaité. Une fois son enfant né, elle n'y arrive pas, elle se sent dépassée. Angela me confie aimer son fils mais... sans plus. Elle trouve cela épuisant et pense même à quitter son mari ainsi que son bébé.

Quand son fils atteint 6 mois, elle découvre qu'elle est de nouveau enceinte. C'est un tsunami pour elle. Elle exprime à son mari qu'elle ne se sent pas prête, que c'est trop tôt et qu'elle n'en a pas la force. Mais celui-ci souhaite accueillir l'enfant à venir coûte que coûte.

Angela poursuit sa grossesse dans des conditions similaires à la première, faisant face aux perturbations hormonales, à la fatigue, à la gestion d'un bébé en bas âge et à l'entretien de la maison, ce qui accroît sa charge mentale.

Elle accouche d'une petite fille par césarienne. Les suites se compliquent également car elle fait une infection et restera 25 jours hospitalisée.

Quand je la croise dans cette boulangerie, ces petits ont donc 2 et 3 ans.

Elle m'annonce qu'elle est actuellement enceinte. Une grossesse non désirée, arrivée sous contraception orale.

Voilà pourquoi elle pleurait. Angela m'a demandé conseil car elle veut avorter dans le secret. Elle ne veut rien dire à ses proches, ni à son mari.

Elle me confie ne pas avoir la force pour une troisième grossesse, un troisième accouchement et un troisième bébé.

Le désarroi de cette femme, de cette mère, m'a profondément émue. Je lui ai recommandé de prendre le temps de réfléchir et d'agir selon son ressenti. Elle seule peut décider de ce qui est bon pour son corps.

Cette situation illustre tristement le dilemme qui est le suivant : se retrouver à mi-chemin entre un rêve et un cauchemar.

Signé : Adelette WANET