5 Jun
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Mon diagnostic de l'endométriose - Talking with Jawu

Je m’appelle Jawu, j’ai 22 ans et je suis atteinte d’endométriose. Alors, ça paraît très alarmiste et dramatique comme ça, mais promis, même si c’est très pénible, je le vis mieux que ce à quoi je pouvais m’attendre moi-même.

Entre mon utérus et moi, il y a une relation pour le moins compliquée, et ce depuis mes douze ans. Mes règles ont toujours été accompagnées de symptômes particulièrement violents et handicapants : douleurs, diarrhées, migraines, tremblements, etc… Ils n’ont fait que s’aggraver avec le temps. Le symptôme le plus difficile à supporter reste la douleur. J’ai essayé une bonne quantité d’antidouleurs différents en dix ans. Soit ils ne font pas effet, soit ils me soulagent mais seulement pour un temps parce que mon corps s’adapte.

J’ai grandi en pensant que les douleurs liées à mes règles étaient tout à fait normales. Ma mère a eu les mêmes avant moi, mes sœurs ont les mêmes et je connais plein de femmes qui ont les mêmes, voire pire. Je n’avais aucune raison de me douter que j’avais une maladie gynécologique. En effet, lorsque j’ai entendu parler d’endométriose pour la première fois, j’avais déjà 20 ans. Et je n’étais clairement pas assez éduquée sur le sujet pour me dire que je pouvais en souffrir aussi. Je pensais que l’endométriose faisait saigner en permanence et donnait des douleurs chroniques à toutes les patientes. Comme j’avais des règles assez régulières, je ne me sentais pas concernée. Les nombreux médecins que j’ai consultés à chaque fois que j’ai eu besoin de ma prescription d’Antadys ne m’avaient jamais parlé d’endométriose. En tout cas, pas avant une matinée de février 2023 où j’ai dû quitter mon stage, tant les douleurs étaient insupportables, et ce, malgré les médicaments.

Ce matin-là, j’ai consulté un médecin généraliste. Elle m’a parlé d’endométriose et m’a prescrit une échographie pelvienne pour la diagnostiquer. J’ai été diagnostiquée un an plus tard. Je ne pense pas pouvoir qualifier mon expérience d’errance médicale. Le temps de latence entre cette consultation en février 2023 et mon diagnostic définitif est plutôt dû au fait que j’ai privilégié le déni. D’abord par peur, j’ai refusé d’envisager la possibilité d’être atteinte d’endométriose. Ensuite, par défaitisme, j’ai jugé que me faire diagnostiquer était inutile parce que de toute façon, il n’y avait pas de traitement curatif. Enfin, une énième overdose d’Antadys qui s’est avérée sans effet a achevé de me convaincre de terminer mon diagnostic.

Donc oui, après une échographie et une IRM pelviennes, il s’est avéré que je suis une Endogirl. 

1,6M$ pour les personnes atteintes de l'endométriose - Courrier Laval

Qu’est-ce que ça change pour moi ? Eh bien, pas grand chose. J’ai toujours mal, et comme je supporte mal la pilule, je n’ai toujours pas de traitement efficace.

Bien que je n’aie pas subi d’errance médicale, j’ai relevé quelques ratés dans mon parcours de diagnostic. Mon expérience avec la gynécologue que j’ai vue après mon IRM a été très déplaisante.

J’ai tenu à consulter une femme noire, je pensais que cela me protégerait d’une quelconque mauvaise expérience. Cela n’a pas été le cas. A la fin de ma consultation, j’ai été très frustrée mais j’ai mis du temps à déterminer les raisons exactes de ma frustration. Ce n’est que quelques semaines plus tard que j’ai compris à quel point cette consultation était pauvre. La gynécologue a à peine lu les résultats de mon IRM, elle n’a pas pris la peine de m’expliquer exactement mon diagnostic (par exemple, jusqu’ici je ne sais pas sur quels organes j’ai des lésions d’endométriose). J’ai senti qu’elle ne mesurait pas vraiment l’ampleur de mes douleurs et l’intensité de mes symptômes, elle ne m’a pas proposé de solution autre que la pilule et l’Antadys (qui sont inefficaces pour moi), et la consultation a été très courte.

Absolument tout ce que j’ai appris sur l’endométriose, je l’ai appris par mes propres moyens et en faisant mes propres recherches. Pourtant, je pense que c’est le rôle du médecin d’expliquer au patient ou à la patiente ce qui lui arrive et de l’accompagner le plus possible dans sa quête de solution. J’aurais pu être une personne qui n’a aucun moyen ni envie de comprendre elle-même ce qu’est l’endométriose, et dans ce cas là, j’aurais encore été dans un flou total en ce qui concerne cette maladie. J’aurais pu être une personne qui n’a pas accès aux réseaux sociaux et aux informations qu’on peut trouver sur ces outils. Dans ce cas là, je n’aurais jamais su qu’il existait vraiment des solutions non médicamenteuses pour atténuer la douleur, comme le TENS par exemple.

Aujourd’hui, j’ai plus ou moins accepté le fait que j’ai une endométriose et que je vais arriver à vivre avec, malgré l’état de souffrance indescriptible dans lequel je me retrouve chaque mois. Je ressens souvent de la frustration et de la colère envers le système médical qui ne trouve aucune solution viable, efficace et qui ne représente pas de danger pour notre santé à court ou à long terme.

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J’ai de la chance de travailler avec des personnes bienveillantes qui comprennent mes douleurs. J’ai donc l’opportunité de faire du télétravail ou de carrément me mettre en arrêt quand je ne peux pas travailler du tout. Mais je pense à toutes les femmes qui n’ont pas la même flexibilité que moi dans leur travail, et je suis en colère contre le système tout entier.

Par contre, je suis contente qu’on ait de plus en plus d’espaces pour nous permettre de parler de plus en plus de cette maladie, surtout nous les principales concernées. Je suis aussi contente qu’on ait des communautés de sorte à ce que chacune d’entre nous sache qu’elle n’est pas seule et qu’on puisse se partager des conseils.

Personnellement, je prévois de consulter une ostéopathe et une nutritionniste parce que je pense qu’une alimentation plus saine pourra m’aider dans la gestion de mon endométriose. Je sais aussi que je dois consulter à nouveau une gynécologue, notamment pour me faire prescrire un TENS (c’est un dispositif non médicamenteux qui permet de calmer les douleurs pendant les règles) et pour avoir des explications détaillées sur mon endométriose. Mais je ne suis pas encore disposée à me relancer dans le processus de recherche d’une gynécologue correcte, d’explication de mes symptômes dans les moindres détails pour être sûre qu’on me prend au sérieux, et tutti quanti, pour au final risquer quand même d’avoir le même résultat, voire pire.

Malgré ma mauvaise expérience avec ce médecin, je ne pense pas avoir fait un mauvais choix en privilégiant une gynécologue qui est une femme noire. Je continuerai donc de le faire, lorsque je reprendrai mes recherches.

Si cela vous intéresse d’en savoir plus sur mon parcours de diagnostic, j’en parle avec beaucoup plus de détails dans les épisodes 4 (Utérus 1, Jawu 0) et 19 (Endogirl in da place) de mon podcast Talking with Jawu.

Et vous, vous êtes aussi une Endogirl ? Si oui, quel a été votre parcours de diagnostic et quelles sont vos méthodes et astuces pour vivre avec elle au jour le jour ? Sinon, est-ce que vous connaissez des personnes atteintes d’endométriose ? Si oui, comment faites-vous pour les accompagner quotidiennement ?

En attendant vos éventuelles réponses, je vous dis au revoir et à la prochaine.

Article signé : Jawu M.