19 Jun
3
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Avant d’écrire ce livre, je n’avais pas conscientisé ni intellectualisé le poids des oppressions

En tant que femme non-blanche, je pense que vous avez déjà vécu cette situation "d’uppercut verbal". Un coup de poing teinté de racisme qu’on reçoit alors qu’on vient à peine de baisser sa garde…

Dernièrement, alors que j'assistais à la réunion d’information pour les associations d’un festival très connu, on me demande en arrivant pour quelle structure je travaille. Je réponds : "Tant que je serai noire."

La personne me fait répéter.

Je répète.

Et au moment où je commence à monter ma garde ... je reçois un uppercut en pleine face :

« Ah la la, cette année vous avez tous des noms originaux dites donc ! »

J’ai à peine le temps de me relever (toute seule car personne dans l’assemblée ne semble être choquée ou gênée), qu’il est déjà parti.

Bref, en lisant le livre de Kei Lam, j’ai beaucoup appris sur l’autodéfense émotionnelle. Je me suis beaucoup reconnue en elle et son histoire :

✨ des projections et clichés posés sur nous,

✨ une charge raciale posée sur nous,

✨ une vie à l’intersection de plusieurs discriminations.

Née à Hong Kong, elle arrive en France à l’âge de 6 ans. D'ailleurs, elle raconte qu’elle a longtemps été les yeux et la bouche de ses parents pour la gestion administrative.

Photos de Kei Lam - Babelio.com

J’ai eu la chance de lui poser quelques questions pour en savoir plus sur les dessous de son nouveau bijou.

Qui est Kei Lam ?

Credit : Gwladys Louiset

Kei Lam est ingénieure en urbanisme de formation. Elle a choisi de se tourner vers l'écriture et le dessin pour exprimer ses expériences et ses émotions. Elle a publié deux albums autobiographiques : Banana Girl en 2017 et Les Saveurs du Béton en 2021. Son troisième ouvrage, tout juste sorti en mai 2024, explore un thème qui lui tient particulièrement à cœur : l’autodéfense émotionnelle.

Une découverte transformatrice

C’est par le biais d’une amie que Kei Lam a découvert les ateliers d’autodéfense émotionnelle, un domaine qui lui était alors inconnu. "Je me sentais parasitée par tout un tas de choses, aussi bien par l’actualité anxiogène que par les micro-agressions au quotidien," confie-t-elle. Cette découverte a été une révélation, la poussant à approfondir le sujet et à s'investir davantage.

Lors de sa participation à un atelier dirigé par Anne van Hyfte, Kei Lam a été frappée par la réaction des participant·e·s.

"J’ai senti comme un grand soulagement de leur part et je pouvais presque entendre les déclics se produire dans leurs têtes," raconte-t-elle. Constatant l'impact positif de ces ateliers, elle s'est interrogée sur l'absence de diffusion de ces outils d’autodéfense auprès du grand public. Cette réflexion a donné naissance à son dernier livre, un guide pratique et introspectif destiné à promouvoir l’autodéfense émotionnelle : Défends-toi, toi-même.

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Lutte contre le racisme et prise de conscience

L’autodéfense émotionnelle est un outil précieux pour celleux qui se trouvent à l’intersection de multiples discriminations, y compris le racisme. Le livre de Kei Lam aborde également des sujets comme le Asian Hate et l'intersectionnalité, reflétant son engagement contre les discriminations et son travail sur la santé mentale.

Kei Lam nous rappelle qu’elle n’a pas découvert le racisme anti-asiatique avec la pandémie, bien que celle-ci ait ravivé des expériences douloureuses. "Avant d’écrire ce livre, je n’avais pas conscientisé ni intellectualisé le poids des oppressions," avoue-t-elle.

Les communautés asiatiques sont souvent perçues comme une minorité modèle, mais pour Kei Lam, l’autodéfense émotionnelle a été une véritable libération. "Je comprends maintenant que j’ai le droit de désobéir et que je n’ai pas à faire de la pédagogie quand je n’en ai pas l’énergie," explique-t-elle. Cette nouvelle perception de soi lui a redonné confiance et espoir, lui permettant de préserver son énergie pour les causes qui lui sont chères.

Je terminerai par cette conclusion de Kei Lam : "Quand on est asiatique en France, on ne peut pas s’inscrire dans la résilience mentale tant qu’on n’est pas suffisamment représenté dans la culture, en politique ou dans les médias." Ainsi, Kei Lam nous offre une leçon de résilience et de courage, soulignant l'importance de l’autodéfense émotionnelle dans un monde où les agressions, qu'elles soient physiques ou psychologiques, restent malheureusement trop fréquentes.

Signé : Tsippora Sidibé